Roms : fichage ethnique et défense des libertés
| 08.10.10 | 15h12 • Mis à jour le 08.10.10 | 19h45
Quatre associations de défense des Roms, des Tsiganes et des gens du voyage viennent donc de déposer une plainte contre un "fichier ethnique, illégal et non déclaré", comme l'a révélé Le Monde jeudi 7 octobre.
Constitué par la gendarmerie, détenu par l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), et baptisé MENS - "minorités ethniques non sédentarisées" -, ce fichier aurait permis, pendant des années, d'effectuer une "généalogie des familles tsiganes" et un répertoire des "groupes à risques", distinguant les unes et les autres selon leur pays d'origine, en Europe de l'Est.
L'existence de ce fichier a immédiatement suscité des réactions pour le moins embarrassées des responsables de la sécurité. Tout en précisant qu'il n'avait la tutelle de la gendarmerie que depuis 2009, le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a assuré qu'il n'avait pas connaissance de ce fichier et ordonné une enquête sur les bases de données utilisées par la gendarmerie nationale. Les responsables de celle-ci assurent, de leur côté, que ce fichier MENS n'existe pas et que le "fichier généalogique" de l'OCLDI a été supprimé à la fin de l'année 2007.
Cette affaire tombe au plus mauvais moment pour les pouvoirs publics. Deux mois après les mesures demandées par le président de la République et mises en oeuvre par le ministre de l'intérieur à l'encontre des Roms, elle risque fort de raviver le grave discrédit, national et international, que cette politique de stigmatisation a valu àla France.
Mais elle témoigne aussi, une nouvelle fois, de la confusion et de l'opacité inadmissibles qui entourent l'existence de très nombreux fichiers informatisés utilisés par les services de police et de sécurité. Deux enquêtes menées en 2006 et 2008 par un groupe de travail présidé par le criminologue Alain Bauer, proche du président de la République, ainsi qu'un rapport d'information parlementaire établi en 2009 par les députés Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP) l'ont, en effet, rappelé sans ménagement : les fichiers policiers sont une jungle dans laquelle il est urgent de mettre de l'ordre.
Sur la soixantaine de fichiers policiers répertoriés, le quart ont été créés sans aucune base légale et n'ont pas été déclarés à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, comme la loi informatique et libertés de 1977 en fait obligation.
L'honneur d'une démocratie est de combattre la délinquance ; il est, tout autant, de protéger les droits de l'homme et les libertés individuelles. Donner aux services de sécurité les moyens, notamment informatiques, d'une action efficace est nécessaire et légitime. Mais, dès lors que cela risque de porter atteinte aux libertés, ces moyens d'action doivent être très sérieusement contrôlés. Y renoncer revient inévitablement à fermer les yeux sur des dérives d'autant plus inacceptables qu'elles conduiraient à un fichage - pour ne pas dire un flicage - ethniques ou racial. En dépit de toutes les mises en garde, ce n'est, hélas !, pas le cas.
Article paru dans l'édition du 09.10.10
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