lunes, 10 de mayo de 2010

"UN TRAITEMENT DE CHOC QUI NE GUÉRIT PAS TOUT"

Edito du Monde
Un traitement de choc qui ne guérit pas tout
LE MONDE | 10.05.10 | 14h14

obilisation générale", "riposte massive" : c'est un vocabulaire militaire qui a accompagné l'annonce du plan de sauvetage de l'euro dévoilé lundi 10 mai au petit matin à Bruxelles par les dirigeants européens. Et face aux attaques sans précédent des marchés, ce sont bien des armes de destruction lourde qui ont été sorties : création d'un fonds d'intervention de 750 milliards d'euros, action coordonnée des grandes banques centrales, achat direct d'emprunts d'Etat par l'institut d'émission européen.

Il faut bien sûr se réjouir du fait que les Européens aient enfin réussi à surmonter leurs divergences. Se féliciter aussi de voir qu'après des mois de tergiversations et d'hésitations qui ont laissé l'affaire grecque contaminer toute la zone euro, ils aient pris la mesure de la gravité de la crise et compris la nécessité de caler le rythme de leur action sur celui des marchés. Il est vrai que la pression de ces derniers était devenue telle qu'ils n'avaient plus guère de choix que s'accorder, sauf à plonger de façon certaine le système financier mondial dans un chaos comparable à celui qui avait suivi la faillite de Lehman Brothers.

La question est de savoir s'il n'est pas déjà trop tard et si le plan, au-delà de la réaction positive initiale observée lundi matin sur les marchés, sera en mesure de ramener durablement le calme. D'abord, annoncer la création d'un fonds de 750 milliards d'euros pour aider des pays défaillants, c'est, d'une certaine manière, entériner que l'Espagne et le Portugal vont connaître de très graves difficultés au cours des prochains mois.

La zone euro elle-même est prête à débloquer 500 milliards, ce qui est fait pour convaincre, mais inquiète aussi. Car c'est par l'emprunt que les pays de la zone euro se procureront l'argent nécessaire. C'est par de l'endettement supplémentaire que les Européens prétendent combattre une crise due à la dette. C'est en creusant de nouveaux trous qu'ils prétendent en boucher d'autres. Des plans de rigueur d'un côté, des emprunts à tout-va de l'autre...

Autre point inquiétant, la perte de crédibilité de la Banque centrale européenne. Son président, Jean-Claude Trichet, avait déjà dû accepter la participation du FMI au plan d'aide à la Grèce après s'y être publiquement opposé. Il a dû se résoudre à ce que son institution achète directement des emprunts d'Etat - ce qui revient à "monétiser" la dette - après avoir totalement écarté cette éventualité trois jours auparavant. Cela fait beaucoup de couleuvres avalées pour une BCE qui, jusqu'à présent, était la seule institution européenne à inspirer confiance aux grands investisseurs internationaux.

Surtout, ce plan n'offre pas la moindre piste pour remédier aux défauts de structure de l'Union monétaire que la crise a mis en évidence : absence de gouvernance économique et de solidarité budgétaire, écarts de compétitivité entre pays, problèmes de croissance, et donc de solvabilité, à terme, des pays d'Europe du Sud. Le plan d'urgence permettra de faire tomber la fièvre, pas de guérir le malade.


Article paru dans l'édition du 11.05.10

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