La grand-messe de 8 h 30 était devenue emblématique des couacs de l'Elysée : divisions entre conseillers étalées dans la presse, initiative intempestive du conseiller Pierre Charon, qui s'est cru autorisé à relancer la polémique sur les rumeurs portant sur le couple présidentiel et montée en puissance, jugée excessive par ses détracteurs de Claude Guéant, qui n'a pas su tenir ses troupes.
L'échec de M. Sarkozy aux élections régionales, son exposition personnelle jugée dangereuse à l'approche de la présidentielle de 2012, le force à s'organiser autrement. "Il y a des dossiers délicats, urgents, des priorités qui amènent à ce que le travail en équipe se fasse différemment", poursuit M. Louvrier.
"CLAUDE GUÉANT AFFAIBLI"
Officiellement, il n'est pas question de changer les équipes de l'Elysée. Mais M. Charon est en disgrâce. Il a subi les vives remontrances du président et on l'a prié de disparaître pour l'instant. Le plaidoyer de son ami Brice Hortefeux n'y a rien changé.
L'ex-journaliste Catherine Pégard erre à l'Elysée, comme en témoignent les déménagements successifs de son bureau, naguère à vingt mètres de celui du président. "C'est pénible : elle exaspère le président qui dit du mal d'elle dans son dos, mais il n'ose pas s'en séparer", déplore un proche du président. "Elle n'arrivera jamais à remonter la pente", renchérit un ministre.
Mme Pégard a pour handicap d'être une proche de Cécilia, l'ancienne femme de M. Sarkozy et de ne pas avoir réussi à s'imposer comme conseiller politique. Elle est supplantée par l'étoile montante du cabinet, Olivier Biancarelli. Ce jeune préfet, qui s'occupait de l'outre-mer, a récupéré les relations avec les parlementaires. Il avait fait son entrée à la réunion de 8 h 30, tout comme Grégoire Verdeaux, l'homme de confiance de Carla Bruni, désigné chef adjoint de cabinet de l'Elysée.
Reste le cas Guéant, qui a concentré d'immenses pouvoirs. Le secrétaire général de l'Elysée a toujours la confiance du président. Il nie avoir eu la moindre algarade avec M. Sarkozy. Un proche du président est plus circonspect. "M. Guéant est plus affaibli qu'on ne le dit. Sa pose en vice-président agace l'appareil d'Etat. Nicolas Sarkozy ne peut pas ne pas le percevoir. Un secrétaire général n'est jamais menacé d'être viré, il est promu ministre, comme le furent Michel Jobert sous Pompidou, Pierre Bérégovoy sous Mitterrand, Dominique de Villepin sous Chirac, explique ce proche. A un moment, les secrétaires généraux deviennent trop puissants et on les remplace par des fonctionnaires : Jean-Louis Bianco a succédé à Bérégovoy et Philippe Bas à Villepin." Rendez-vous est donné après la réforme des retraites. Le changement de gouvernement pourrait s'accompagner d'une refonte des équipes de l'Elysée.
PETITES RÉUNIONS AD HOC
M. Guéant exerce le pouvoir que lui a laissé prendre M. Sarkozy, comme en témoigne l'évolution de la réunion de 8 h 30. A l'origine, elle devait fédérer les mousquetaires du sarkozysme. Ensemble, ils allaient réformer la France et piloter de la République. Seuls, sans Matignon, ni l'administration. M. Sarkozy a progressivement déserté ce rendez-vous, en confiant les clés à M. Guéant : parce que son agenda international était trop chargé ; parce qu'il a pris du champ après son remariage avec Carla Bruni.
La réunion s'est installée dans la routine. On n'y débattait plus de rien, surtout depuis un clash mémorable en décembre 2009, révélateur des dissensions qui minent l'équipe présidentielle. M. Soubie et M. Guaino ont une altercation sur l'histoire-géographie au lycée, qui se retrouve relatée dans Le Figaro. Le pacte de confidentialité qui unissait l'équipe est brisé. Depuis, M.Guaino n'assistait plus à la réunion.
Ce rendez-vous a conduit ses participants à se croire tout-puissants, comme l'a fait M. Charon, se croyant habilité à parler au nom du président. En être, c'était être adoubé par M. Sarkozy. Ne pas en être, c'était n'être rien, ou pas grand-chose.
Ainsi M. Louvrier, conseiller presse depuis toujours, fut humilié de ne pas y être admis à ses débuts, supplanté par le protégé de Cécilia, David Martinon, éphémère porte-parole de l'Elysée, banni après le mariage du président avec Mme Bruni. Un ministre dont le référent ne participait pas à la réunion de 8 h 30, à l'instar de Valérie Pécresse, avait plus de difficultés que les autres à faire passer ses messages.
Toutefois, la grand-messe ne correspondait plus à la géographie du pouvoir. L'Elysée va s'organiser en petites réunions ad hoc, comme le fait déjà M. Sarkozy. Mais, assure M. Guéant, "cela ne veut pas dire que l'on va travailler chacun dans son coin".
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