La chancelière allemande à l'irrésistible ascension et à la popularité en béton se donne une image d'autant plus ferme sur la scène européenne qu'elle est, depuis sa réélection en septembre 2009, fragilisée dans son pays : elle se trouve à la tête d'une coalition de droite paradoxalement difficile à gérer et à la veille d'élections cruciales dans le Land stratégique de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le 9 mai. La défaite de son parti, l'Union démocrate-chrétienne (CDU) lui coûterait la majorité au Bundesrat (chambre haute du Parlement).
Jusqu'ici, sa cote d'amour avait résisté à toutes les tempêtes. La crise économique mondiale ne l'avait pas atteinte. "La femme la plus puissante du monde", comme l'a gratifiée le magazine américain Forbes, n'avait cessé de bénéficier de plus de 60 % d'opinion positive des Allemands, auxquels elle a toujours renvoyé l'image rassurante qu'ils attendaient.
Son malaise et sa disgrâce apparaissent alors que la chancelière a tout fait pour s'attirer les grâces de l'opinion publique. Sur au moins deux sujets sensibles : la contribution allemande à une aide financière à la Grèce, et l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (UE). En déplacement à Ankara et Istanbul, les 29 et 30 mars, Mme Merkel a de nouveau défendu l'idée d'un "partenariat privilégié" avec la Turquie : une réponse apaisante aux peurs et fantasmes récurrents sur la possible adhésion du pays à l'UE.
Dans la crise grecque, elle n'a fait aucune concession à ses partenaires européens, exigeant une intervention du Fonds monétaire international (FMI), une aide de l'UE "en dernier recours", l'application stricte des traités. Cette posture de rigueur, nécessaire au regard de la Cour constitutionnelle allemande, séduit une population hostile au laxisme budgétaire, traumatisée par le souvenir de l'inflation et agacée de payer pour les autres après la cure de rigueur qu'elle s'est imposée.
Ces tentatives populistes de Mme Merkel n'ont pas suffi à la ragaillardir. Paradoxalement, la coalition de droite qu'elle espérait et qu'elle dirige depuis quelques mois est un piège. Elle place la chancelière conservatrice dans une situation plus délicate qu'elle ne l'était lors de son premier mandat, à la tête d'une grande coalition avec son traditionnel adversaire social-démocrate (SPD).
Elle qui excellait dans l'art du grand écart prenait prétexte de son adversaire-partenaire pour justifier son équilibre indécis. Elle y gagnait l'appui des puissants syndicats. Elle se trouve désormais titillée sur la droite par deux alliés encombrants : les libéraux du FDP et les conservateurs non-libéraux de l'Union chrétienne-sociale (CSU).
Avant les élections en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Angela Merkel évite les sujets qui fâchent, comme la réforme fiscale, cheval de bataille du FDP. Les réductions d'impôts drastiques, pour lesquelles les libéraux commencent seulement à nuancer leurs exigences, sont des "fausses promesses", a déclaré, le 31 mars, la chancelière, pragmatique dans la crise. L'ampleur des déficits et la poursuite de la hausse du chômage, a-t-elle dit, ne laissent à son gouvernement aucune marge de manoeuvre pour alléger la pression fiscale.
Guido Westerwelle, le vice-chancelier, ministre des affaires étrangères et président du FDP, très impopulaire, n'est pas le moindre souci de la chancelière. L'incontrôlable trublion, habitué à diriger un petit parti d'opposition, peine à endosser les habits du pouvoir. Leur "coalition de la discorde" est de mauvais augure pour la CDU comme pour le FDP, également en coalition en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, pour l'élection du 9 mai.
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