Une riposte pour rassurer sa majorité
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Pour se tirer d'une mauvaise affaire, Jacques Chirac avait naguère lancé à la télévision un spectaculaire "abracadabrantesque". A défaut de convaincre, la riposte, inattendue, avait eu pour effet de créer stupeur et diversion. Fragilisé depuis près d'un mois par l'affaire Bettencourt,Nicolas Sarkozy n'a pas surjoué, lundi 12 juillet sur France 2, sa contre-attaque.
Le président de la République est resté étrangement économe en mots et attitudes. Concentré pendant plus d'une heure sur le rôle qu'il s'était assigné : celui du président courageux, qui réforme par gros temps et ramène à pas grand-chose les viles "calomnies" destinées à le faire trébucher.
Le calme qu'il a affiché, tout au long de l'émission, contrastait avec le violent contre-feu allumé par l'Elysée la semaine précédente lorsqu'il est apparu que les accusations de l'ex-comptable de l'héritière de L'Oréal menaçaient non seulement le ministre du travail, mais plus directement l'hôte de l'Elysée. Quelle violence alors contre la presse ! Quel empressement à prédire que l'enquête de l'inspection générale des finances allait blanchir M. Woerth ! Quelle rapidité à répandre que l'ex- comptable s'était rétractée devant la justice des accusations qu'elle avait portées contre M. Sarkozy !
L'accalmie revenue, le président a choisi de faire comme si rien, ou presque, ne s'était passé. ADavid Pujadas, seul journaliste autorisé à l'interroger, il a délivré deux messages : M. Woerth,"homme honnête et compétent", conduira la réforme des retraites, Quant à la rue, elle pourra bien gronder - c'est son droit -, cela ne changera rien à la détermination présidentielle de réformer le pays.
Un président "droit dans ses bottes", ainsi que l'aurait dit Alain Juppé, et qui ne concède à l'épisode "affaires" que quelques ajustements : M. Woerth devra renoncer à ses fonctions de trésorier de l'UMP et une commission associant tous les partis politiques sera chargée de trouver le moyens d'éviter à l'avenir les conflits d'intérêts.
La riposte est-elle convaincante ? On peut en douter. Car l'affaire Bettencourt n'est pas close. Les journalistes enquêtent, la justice aussi, avec chaque jour son lot de nouvelles perquisitions ou de nouvelles auditions. Mais, pour desserrer l'étau, avant une rentrée difficile, le chef de l'Etat n'avait guère d'autre choix que de faire diversion en vantant les réformes, sa seule chance d'éviter l'enlisement. Sur ce plan, les masques tombent. A moins de deux ans de l'élection présidentielle de 2012, M. Sarkozy n'a plus les moyens, comme au début de son quinquennat, de faire des sourires à la gauche. Sa popularité a fondu. Il doit consolider l'étroit noyau qui lui reste encore fidèle. Ses vives attaques contre la retraite à 60 ans, les 35 heures, les hausses d'impôts sont autant de gages donnés à l'électorat UMP.
La vigoureuse défense du bouclier fiscal est là pour rassurer les puissances d'argent perturbées par la mauvaise publicité de l'affaire Bettencourt. Cette hyper-concentration sur le coeur de cible relève de la "Realpolitik", mais c'est aussi l'aveu d'une évidente faiblesse.
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