viernes, 18 de junio de 2010

LA "STREET VIEW" DE GOOGLE

Edito du Monde
Vie privée sur le Net : premier succès pour la CNIL
LE MONDE | 17.06.10 | 14h14 • Mis à jour le 17.06.10 | 14h14

l est loin le temps où l'Internet fleurait bon son petit côté libertaire. Sous la pression conjuguée des Etats (la lutte contre le terrorisme a toujours bon dos) et de la réalité économique (il faut bien rémunérer des services "gratuits"), les géants de la Toile captent, conservent et vendent de plus en plus de données relatives à la vie privée des utilisateurs.

La CNIL vient de remporter un succès dans la défense de ces derniers. Le 26 mai, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a adressé "une mise en demeure" à Google pour l'obliger à livrer des données collectées pour son programme Street View. C'est une affaire compliquée dans laquelle la firme américaine a volontiers reconnu avoir commis une erreur. Une affaire très symbolique de l'époque, liée au développement du GPS.

Le Global Positioning System (géolocalisation) s'est banalisé : les GPS sont des gadgets courants dans les voitures, et la plupart des téléphones portables en sont équipés : rien de plus facile que de savoir où l'on se trouve, quels sont les magasins les plus proches ou quel itinéraire choisir. Ce qui fonctionne évidemment dans l'autre sens : on peut savoir à tout moment où vous êtes.

Google a poussé la logique jusqu'au bout avec son programme "Google Latitude" : il suffit de donner son numéro de téléphone et celui de ses amis pour savoir à tout moment où ils sont et ce qu'ils faisaient avant-hier à 15 h 38. Un employeur peut suivre les déplacements de ses salariés, un conjoint savoir où traîne son partenaire ou ce que fabriquent ses enfants. C'est un bracelet électronique volontaire...

Il a fallu à Google un énorme travail de collecte pour monter le programme. C'est l'objet de "Street View" : des Google cars - voitures de Google équipées de neuf caméras et de scanners - - sillonnent les villes du monde entier, repèrent les bornes et photographient les rues : les Etats-Unis ont été scannés, le Japon, une grande partie de l'Australie et de l'Europe, dont la France. Les visages et les plaques d'immatriculation sont floutées et le résultat est mis gracieusement en ligne sur Google Maps.

Mais les Google cars ont aspiré en passant les données qui transitaient par les bornes Wi-Fi non sécurisées et enregistré des messages, des adresses IP d'ordinateur, des mots de passe... "Nous avons commis une erreur, nous avons collecté des données que nous ne voulions pas collecter", a reconnu Larry Page, l'un des présidents de Google dans Le Monde du 22 mai.

Google a accepté de collaborer avec la CNIL, qui a cependant été obligée de le "mettre en demeure" de lui livrer ces données, première étape d'une procédure de sanction. C'est un succès pour la CNIL, qui va avoir accès aux données personnelles captées à l'insu des personnes concernées.

Le problème est plus large. Est-on prêt à vivre dans une société parfaitement transparente, où chacun saura où est l'autre ? "La géolocalisation tend à devenir la norme, dit Gwendal Le Grand, de la CNIL. Bientôt ce sera lorsqu'on débranchera son GSM qu'on sera suspect." Aucune police n'aurait osé rêver pareille globale surveillance !


Article paru dans l'édition du 18.06.10

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