L'euro attaqué
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A priori, Jean-Claude Trichet dit vrai : objectivement, il n'y a aucune raison que les marchés financiers, feignant de croire que la Grèce sera incapable de rembourser ses dettes, attaquent ce pays aussi durement. Les déficits publics devraient y être moindres en 2010 que ceux de Londres, de Washington ou de Paris. Fin décembre 2009 encore, la Société générale publiait une note d'analystes extrêmement optimiste sur la Grèce .
Le problème est notamment dû à la nervosité des marchés, qui, stimulés par une surabondance de liquidités, testent les maillons faibles de l'économie et n'hésitent pas à spéculer sur les difficultés à venir des Etats, aggravant, voire provoquant, celles-ci. Après la Grèce, l'Espagne et le Portugal connaissent le même sort.
Malheureusement, ces arguments, pour justifiés qu'ils soient, n'ont guère de valeur, et l'Union européenne ne saurait s'exonérer de ses responsabilités. D'abord parce que Athènes a menti. A l'Europe et aux marchés. La Grèce paie aujourd'hui le prix de la défiance qu'elle a suscitée. Que l'Europe n'ait rien vu ou n'ait rien voulu voir est inquiétant. Même chose pour l'Espagne et le Portugal. Trop longtemps, la Banque centrale européenne a fermé les yeux sur les faiblesses structurelles de ces économies. Peut-être pas tout à fait innocemment. Les reconnaître aurait rendu plus difficile un discours en faveur de l'euro fort.
L'Europe a donc commis au moins une erreur. Celle de ne pas regarder d'assez près les comptes publics des Etats membres, notamment ceux de la zone euro. Mais cette crise révèle une faiblesse bien plus grave : l'absence de trousse de secours pour soigner le malade. Le discours officiel - "Que la Grèce gère ses problèmes" - n'est crédible ni politiquement (pourquoi aider les banques en difficulté et pas un Etat dans le besoin ?) ni économiquement (l'absence de solidarité coûtera cher à l'Europe). L'euro est une formidable réalisation que le monde entier nous envie, mais qui présente un vice de taille : elle est la seule monnaie au monde à ne pas être au service d'un gouvernement et d'un ministre des finances.
Les chicaneries récurrentes entre le président de la Banque centrale européenne et le président de l'Eurogroupe, voire le commissaire aux affaires économiques, pour savoir qui est "M. Euro" ne sont pas qu'une querelle d'ego. Elles révèlent une véritable ambiguïté, dont l'Union européenne paie aujourd'hui le prix. La conclusion s'impose. Faute d'une meilleure gouvernance de la zone euro, l'Europe s'expose à un inquiétant chacun-pour-soi aux conséquences redoutables.
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