Jour après jour, l'exode des chrétiens d'Orient
| 02.11.10 | 13h20 • Mis à jour le 02.11.10 | 13h20
Difficile de parler de "terrorisme aveugle" quand des prêtres et des fidèles assistant à la messe dominicale sont tués dans leur église, à la veille de la Toussaint. C'est ce qui vient de se passer à Bagdad, où une prise d'otages s'est achevée dans un bain de sang, dimanche 31 octobre, après l'intervention de l'armée irakienne. Bilan : plus de cinquante morts, en majorité des femmes et des enfants.
La prise d'otages visait la communauté chrétienne du pays, régulièrement prise pour cible par les "milices islamistes" qui déstabilisent l'Irak depuis la chute de Saddam Hussein. Ce nouveau jalon tragique d'une histoire récente, qui en compte beaucoup d'autres, ne manquera pas d'alimenter une tragédie en cours depuis plusieurs années : l'exil des chrétiens d'Orient.
Islamisme, guerres, conflits divers, notamment israélo-palestinien, pauvreté, les causes sont nombreuses qui expliquent ce drame : les chrétiens fuient les lieux qui sont le berceau de leur foi. L'archevêque de Kirkouk, autre ville irakienne, disait redouter un "exode mortel" lors du synode consacré aux chrétiens d'Orient, du 10 au 24 octobre, au Vatican.
Le gouvernement français, qui a accueilli 1 300 chrétiens d'Irak depuis 2008, a proposé, lundi 1ernovembre, d'en recevoir 150 autres. Ils rejoindront dans l'exil près de la moitié de la population chrétienne d'Irak qui a fui le pays depuis une vingtaine d'années.
Avec quelque 500 000 chrétiens encore sur place, l'Irak est le pays du Moyen-Orient qui a connu la plus forte hémorragie ces dernières décennies. Une accélération est à l'oeuvre depuis l'invasion américaine de 2003 et les violences qui en ont découlé.
Le problème concerne toute la région. Pour le jésuite égyptien Samir Khalil Samir, l'un des artisans du synode, la disparition des chrétiens d'Orient n'est pas "une simple hypothèse" : en un siècle, la population chrétienne de Turquie est passée de 20 % à 0,2 %. Sur la même période, la part des chrétiens dans les pays qui ont vu naître et prospérer le christianisme est passée de 15 % à 6 % aujourd'hui. En l'absence de statistiques fiables, les chiffres communément admis font état de quelque 20 millions de personnes sur une population de 350 millions, au Proche et Moyen-Orient. Le Liban abrite toujours la plus forte proportion de chrétiens.
Un ensemble de raisons économiques, politiques, démographiques et religieuses explique cette lente évaporation. Mais, depuis quelques années, le clergé et les fidèles mettent surtout en avant l'islamisation croissante des sociétés dans lesquelles ils vivent. "Les musulmans ne distinguent pas religion et politique", rappelaient les évêques lors du synode.
Pour les communautés concernées, au-delà de l'islam radical, c'est désormais la confrontation au quotidien avec un islam politique qui rend difficile la survie de la culture et des traditions chrétiennes.
Le Vatican a dit son désarroi. Il ne devrait pas être seul : l'exode des chrétiens d'Orient est un drame qui nous concerne tous.
Article paru dans l'édition du 03.11.10
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