La France, son arme nucléaire et ses alliés
| 20.11.10 | 13h24 • Mis à jour le 20.11.10 | 13h24
S'il est un domaine de politique étrangère où Nicolas Sarkozy a fait preuve d'une grande constance, c'est bien celui-là : la France n'a pas l'intention de renoncer à l'arme atomique ni au dogme de la dissuasion. Le chef de l'Etat défend une constante de la Ve République depuis ses origines, "la monarchie nucléaire", selon l'expression du chercheur Samy Cohen.
La bombe française a eu cette année cinquante ans. Perpétuer son influence relève-t-il du seul orgueil national ? De la peur d'être déclassé dans un monde qui change ? De l'attachement à un indéniable attribut de puissance ? C'est le procès qu'instruisent ceux qui plaident pour l'abolition de l'arme suprême. Ils se sentent le vent en poupe depuis que Barack Obama a lancé un appel en faveur d'un "monde sans armes nucléaires".
La bombe, dernier vestige de la grandeur gaullienne, serait-elle condamnée ? Nicolas Sarkozy et ses conseillers ne sont pas de cet avis. Pour eux, le désarmement nucléaire n'est pas une priorité déconnectée des grands enjeux stratégiques de l'époque, au rang desquels la prolifération des armes atomiques et les programmes nucléaire et balistique de l'Iran. Un sujet sur lequel le chef de l'Etat ne cesse d'exprimer ses préoccupations.
La France peut aussi, à juste titre, considérer qu'elle n'a pas de leçon à recevoir en matière de désarmement. Elle est le seul Etat à avoir démantelé toutes ses installations de production de matière fissile. Elle a ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Elle a supprimé ses missiles sol-sol, et diminué d'un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Elle a rendu public le périmètre de son arsenal (moins de 300 têtes), réduit de moitié en dix ans. Les autres pays dotés de l'arme nucléaire ne peuvent pas en dire autant.
Il n'empêche que la France a pu sembler isolée face à certains de ses alliés. Depuis 2009, à l'ONU, au sein du G8 et de l'OTAN, elle a bataillé pour qu'aucun document international ne vienne remettre en cause l'importance et la légitimité de la dissuasion. Elle a remporté des succès. Le récent accord que Paris et Londres ont passé sur le nucléaire militaire le montre.
Mais la France a aussi pu apparaître comme peu flexible. Les relations avec Barack Obama s'en sont ressenties surtout lorsque M. Sarkozy a réduit l'ambition du président américain à un "rêve", détaché du "monde réel".
La campagne de M. Obama pour l'élimination de l'arme nucléaire se heurte, de fait, à de nombreux obstacles, dont le retour en force des républicains au Congrès.
Autre "dégât collatéral" : la relation avec l'Allemagne, un pays qui prône la dénucléarisation du continent européen.
Juste avant le début du sommet de l'OTAN à Lisbonne, vendredi 19 novembre, un langage commun a pu être trouvé avec les Allemands. Mais ce n'est qu'une trêve. Les sensibilités nationales sur le nucléaire sont profondes, liées à l'Histoire. Le débat sur l'atome va continuer. Sur ce sujet aussi, l'Europe est hélas divisée.
Article paru dans l'édition du 21.11.10
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