viernes, 29 de enero de 2010

"OBSTINATION"

Edito du Monde
Obstination
LE MONDE | 29.01.10 | 14h08 • Mis à jour le 29.01.10 | 14h08

a ténébreuse affaire Clearstream n'a pas fini d'empoisonner la vie politique française. Après six ans de soupçons, de manoeuvres et d'accusations de machination, elle a déjà conduit, à l'automne 2009, à un procès pour le moins baroque dans lequel le plaignant le plus éminent était l'actuel président de la République, Nicolas Sarkozy, et le principal prévenu l'ancien premier ministre Dominique de Villepin.

En relaxant sans ambiguïté M. de Villepin le 28 janvier, le jugement du tribunal correctionnel de Paris semblait mettre un terme à ce feuilleton judiciaire et replacer la rivalité entre les deux hommes sur le terrain politique, avec pour enjeu la prochaine élection présidentielle de 2012. L'accalmie aura été de courte durée : la décision du parquet de faire appel va réenclencher la machine judiciaire.

Hélas ! Oui, hélas, quelles que soient les motivations juridiques de cet appel ! Car, depuis mai 2007, chaque épisode de cette affaire abaisse davantage la fonction présidentielle. Nicolas Sarkozy, qui s'était constitué partie civile en janvier 2006, aurait pu retirer sa plainte après son élection à la présidence en mai 2007. En décidant, alors, de la maintenir, il a engagé sa fonction sur des chemins tortueux.

Au plan juridique, tout d'abord. Le président de la République, en effet, n'est pas un justiciable comme les autres. S'il peut poursuivre en justice, il ne peut pas être poursuivi, puisqu'il est protégé pendant la durée de son mandat par l'immunité présidentielle. Le risque est donc réel que l'égalité des armes et l'équité du procès soient rompues. Nicolas Sarkozy l'a bien compris : en faisant savoir qu'il ne serait pas partie civile dans le prochain procès en appel de l'affaire Clearstream, il entend se mettre à l'abri de ce reproche.

Cela ne lève pas pour autant le soupçon d'instrumentalisation de la justice par celui qui détient, de par sa fonction, un rôle essentiel dans l'organisation du système judiciaire et la nomination des magistrats, en particulier les principaux responsables du parquet. Celui-là même qui vient de faire appel. Le président de la République ne sera plus partie civile ; mais il reste à la manoeuvre.

Ce n'est pas glorieux. Et il est en outre probable que ce ne sera pas très efficace sur le plan politique. Plus que jamais, Dominique de Villepin pourra clamer son innocence. Plus que jamais, il pourra se poser, selon ses termes, en septembre 2009, en "victime de l'acharnement d'un homme, Nicolas Sakozy". Plus que jamais, il pourra se présenter comme une "alternative" à l'actuel chef de l'Etat.


Article paru dans l'édition du 30.01.10


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