sábado, 13 de marzo de 2010

LE MONDE: "ANACHRONISME"

Editorial
Anachronisme
LE MONDE | 13.03.10 | 13h00 • Mis à jour le 13.03.10 | 13h09

ne cascade de scandales pédophiles en Europe - avec la révélation d'abus sexuels sur des mineurs remontant aux années 1980, 1970 et parfois même 1960 - secoue l'Eglise catholique. Après l'Autriche, les Pays-Bas, et auparavant les Etats-Unis et l'Irlande, ces affaires touchent aujourd'hui la patrie du pape Benoît XVI. En France, le phénomène est loin d'avoir la même ampleur, puisque seuls une dizaine de religieux sont poursuivis pour de tels abus.

Décidé à faire toute la lumière sur ces scandales, Benoît XVI a réagi avec fermeté, et plusieurs évêques ont exprimé des excuses. Pour autant, le pape n'entend pas céder à l'injonction de son ancien condisciple Hans Küng qui, dans Le Monde du 5 mars, réclamait "l'abrogation de la règle du célibat, racine de tous les maux". Parmi les religions monothéistes, l'Eglise catholique romaine est la seule à être fidèle à cette discipline imposée à partir du concile de Latran, en 1123. Vendredi 12 mars, Benoît XVI a réaffirmé le caractère "sacré" du célibat des prêtres, "une expression du don de soi à Dieu et aux autres". Dès son élection en 2005, il y voyait "une conformation particulière au style de vie du Christ lui-même".

Nul ne songe, pas même M. Küng, à faire de l'abrogation du célibat des prêtres un remède miracle contre la pédophilie. Dans la grande majorité des cas, ces abus sexuels ont lieu au sein du cercle familial ou dans des écoles et des associations parfaitement laïques. Mais on n'a jamais relevé de phénomène de pareille ampleur dans des religions où les pasteurs sont mariés. L'Eglise catholique devrait réinterroger sa vision de la sexualité, au lieu de favoriser l'immaturité sexuelle de ses clercs.

Le débat sur le célibat des prêtres est légitimement relancé. En Autriche, l'archevêque de Salzbourg, Mgr Alois Kothgasser, a jugé, le 12 mars, que "l'Eglise doit se demander si elle peut entretenir ce mode de vie ou ce qu'elle doit y changer". En 2008, le chef de l'Eglise allemande, Mgr Robert Zollitsch, avait assuré que "le lien entre la prêtrise et le célibat n'est pas un impératif théologique". Aucune évolution n'est à espérer de Benoît XVI, qui a déjà fermé la porte à l'ordination d'hommes mariés. En France, la moitié des 161 prêtres qui ont quitté l'Eglise entre 1996 et 2005 ont choisi une liaison hétéro ou homosexuelle. Le célibat est une des causes de la pénurie de vocations - même si celle-ci existe aussi chez les pasteurs ou les rabbins, qui peuvent se marier. L'Eglise n'est pas hors du monde. Si elle veut épouser l'humanité de son temps, elle serait bien inspirée de mettre fin à cet anachronisme.


Article paru dans l'édition du 14.03.10

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