Lors d'une conférence de presse commune, le président de la République française a affirmé n'avoir "pas une seconde, même pas une demi-seconde, à perdre avec les élucubrations" de la presse britannique, qui, depuis quelques jours, se fait l'écho de ses présumées difficultés conjugales. "J'ai dit à Nicolas que je ne croyais pas tout ce que je lisais dans la presse", a embrayé le premier ministre britannique, lui-même récemment mis en cause pour s'être laissé aller à des accès de violence envers certains de ses collaborateurs.
Ce vendredi, les deux hommes ont critiqué à l'unisson les Etats-Unis après le retrait quasi forcé du constructeur aéronautique européen EADS de l'appel d'offres pour des avions ravitailleurs destinés à l'armée américaine. "J'avoue que je n'ai pas apprécié cette décision, a indiqué M. Sarkozy, ce ne sont pas des méthodes." M. Brown, lui, s'est dit "déçu" : "Nous croyons dans le libre-échange, les marchés ouverts et la concurrence."
M. Brown et M. Sarkozy veulent inventer des financements innovants pour lutter contre le réchauffement climatique. Ils se sont montrés confiants pour parvenir, "d'ici quelques jours", selon M. Brown, à un accord sur la régulation européenne des fonds spéculatifs. Surtout, ils se sont donné rendez-vous au G8 et au G20, qui rassemblent les principales puissances de la planète et que M. Sarkozy présidera à compter de novembre 2010, sur une proposition de son ami britannique.
C'était une manière, pour M. Sarkozy, de soutenir implicitement le premier ministre travailliste, alors que les élections législatives britanniques, prévues d'ici à juin, s'annoncent difficiles pour le candidat du Labour. Soucieux de préserver une apparente neutralité, le président a rencontré dans l'après-midi son concurrent, le conservateur eurosceptique David Cameron, crédité d'une légère avance par les sondages.
Le rapprochement entre les deux hommes n'allait pas de soi. C'est avec Tony Blair que M. Sarkozy rêvait de collaborer, et non pas avec son ancien ministre des finances, qui lui a succédé en juin 2007. Mais les deux dirigeants ont vite appris à s'apprécier, dans la foulée de la crise financière.
M. Sarkozy a aimé la réactivité de M. Brown, qui n'a pas hésité à organiser un plan de sauvetage des banques en octobre 2008, lorsque la chancelière allemande, Angela Merkel, tergiversait. Il a salué sa décision de taxer les bonus des traders à l'automne 2009, quand Berlin se refusait à agir. M. Sarkozy a ainsi pu suivre l'exemple de cet ancien champion de la City revenu à des valeurs plus socialistes, sans craindre de distorsion de concurrence.
Enfin, M. Brown et M. Sarkozy ont été les deux dirigeants européens les plus allants au sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, fin 2009. Il s'est achevé sur un échec, mais les deux hommes ont la solidarité de ceux qui ont combattu jusqu'au bout.
Bien sûr, la relation a connu des couacs, notamment lorsque M. Sarkozy a critiqué le Royaume-Uni à des fins de politique intérieure. En février 2009, alors que l'économie mondiale s'effondre, il lâche : "Quand on voit la situation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, on n'a pas envie de leur ressembler." Il critique l'inefficacité de la baisse de la TVA décidée par M. Brown et juge, à tort, que "les Anglais" n'ont "plus d'industrie, à la différence de la France". Tollé à Londres.
M. Sarkozy récidive en décembre 2009, lorsqu'il triomphe ouvertement, après la nomination du Français Michel Barnier au poste de commissaire européen chargé du marché intérieur, donc de la City. "Les Anglais sont les grands perdants de l'affaire", juge-t-il, précisant que "les idées françaises de la régulation triomphent en Europe". Il devra annuler une visite à M. Brown. Vendredi, l'épisode était oublié.
Entretien "amical et chaleureux" avec David Cameron
En visite à Londres, vendredi 12 mars, M. Sarkozy a aussi rencontré David Cameron, qu'il n'avait pas vu depuis juin 2008. Alors que le chef des conservateurs est en tête des sondages, malgré la remontée du travailliste Gordon Brown, avant les élections législatives prévues au Royaume-Uni d'ici à juin, le président français a souhaité ménager l'avenir. D'autant que l'euroscepticisme des tories inquiète l'Elysée. Leur départ, en juin 2009, du Parti populaire européen, qui fédère les partis de droite et de centre droit au Parlement de Strasbourg, peut laisser augurer de futures tensions sur des sujets comme la défense européenne ou la régulation financière. L'entretien a été "amical et chaleureux", se bornait à commenter l'entourage de M. Sarkozy, vendredi, avec "une mise en perspective du partenariat franco-britannique dans toutes ses dimensions". - (Corresp.)
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