miércoles, 10 de marzo de 2010

OTRO FRENTE DE DESCONTENTOS CON SARKO

Edito du Monde
Quelle justice ?
LE MONDE | 10.03.10 | 13h51 • Mis à jour le 10.03.10 | 13h51

a réforme de la justice est l'un des grands chantiers ouverts par Nicolas Sarkozy, depuis 2007, pour "moderniser" la France. Après la réorganisation en profondeur de la carte judiciaire, menée sans ménagement pendant deux ans et qui entre désormais dans les faits, c'est une refonte tout aussi importante de la justice pénale et de ses procédures qui est aujourd'hui en gestation.

Personne n'en conteste la nécessité, tant il est patent, depuis des années, que l'institution judiciaire fonctionne mal. Beaucoup de professionnels, en revanche, en déplorent la philosophie et les modalités. Ils étaient des milliers, mardi 9 mars, dans les rues de Paris et des grandes villes de province, pour dénoncer la "casse" du système judiciaire. Cette mobilisation très large de magistrats, avocats, greffiers, éducateurs et gardiens de prison exprimait sans ambiguïté leur lassitude ou leur révolte devant les changements en cours ou annoncés.

Inévitable mécontentement d'une corporation sérieusement bousculée, pourra toujours plaider le gouvernement. Il reste que les motifs d'exaspération sont fondés. En dépit de réels efforts budgétaires, l'insuffisance de moyens humains et matériels continue à handicaper cruellement l'efficacité de la machine judiciaire. Les témoignages, sur ce point, restent accablants.

Plus profondément, c'est l'aspiration du pouvoir exécutif à contrôler la justice qui inquiète. Annoncée en janvier 2009 par le président de la République et mise en oeuvre par la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, dans l'avant-projet de réforme qu'elle vient de dévoiler, la suppression du juge d'instruction aurait pu faire l'objet d'un assez large consensus, après quelques fiascos retentissants, dont celui d'Outreau.

Mais le transfert des pouvoirs du juge d'instruction - magistrat indépendant -, vers les magistrats du parquet crée une suspicion inévitable. Dès lors que le lien de subordination hiérarchique des procureurs à la chancellerie n'est pas dénoué, dès lors que leur nomination et l'évolution de leur carrière dépendent du ministère, c'est leur impartialité qui est en question. Notamment dans le cas d'affaires éventuellement embarrassantes pour le pouvoir exécutif ou ses amis.

En 2008, la Cour européenne des droits de l'homme avait dénié au parquet, faute d'indépendance, la qualité d'autorité judiciaire. Le gouvernement n'entend pas tenir compte de cet avertissement. C'est tout à fait regrettable pour l'autorité et la légitimité de la justice.


Article paru dans l'édition du 11.03.10

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