Inévitable mécontentement d'une corporation sérieusement bousculée, pourra toujours plaider le gouvernement. Il reste que les motifs d'exaspération sont fondés. En dépit de réels efforts budgétaires, l'insuffisance de moyens humains et matériels continue à handicaper cruellement l'efficacité de la machine judiciaire. Les témoignages, sur ce point, restent accablants.
Plus profondément, c'est l'aspiration du pouvoir exécutif à contrôler la justice qui inquiète. Annoncée en janvier 2009 par le président de la République et mise en oeuvre par la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, dans l'avant-projet de réforme qu'elle vient de dévoiler, la suppression du juge d'instruction aurait pu faire l'objet d'un assez large consensus, après quelques fiascos retentissants, dont celui d'Outreau.
Mais le transfert des pouvoirs du juge d'instruction - magistrat indépendant -, vers les magistrats du parquet crée une suspicion inévitable. Dès lors que le lien de subordination hiérarchique des procureurs à la chancellerie n'est pas dénoué, dès lors que leur nomination et l'évolution de leur carrière dépendent du ministère, c'est leur impartialité qui est en question. Notamment dans le cas d'affaires éventuellement embarrassantes pour le pouvoir exécutif ou ses amis.
En 2008, la Cour européenne des droits de l'homme avait dénié au parquet, faute d'indépendance, la qualité d'autorité judiciaire. Le gouvernement n'entend pas tenir compte de cet avertissement. C'est tout à fait regrettable pour l'autorité et la légitimité de la justice.
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